24.9.06

Editorial

LIEUX EXTREMES DE L'ART

Devant une actualité vertigineuse qui nous sollicite constamment, pourquoi sommes-nous amenés ici à revenir sur des époques révolues : les origines de l'histoire de l'art, la naissance de l'esthétique, l'art des troubadours, le drame chrétien de la ressemblance ?
Est-ce le signe d'une réaction passéiste s'opposant farouchement à une réalité de plus en plus indéchiffrable ? S'agit-il, au contraire, de la nécessité de fonder une esthétique apte à interpréter et justifier la création contemporaine ? "Ce retour au passé" obéit-il à la volonté de soumettre notre époque aux vertus éclaircissantes de la mémoire ?
Le travail de réinterprétation historique qui relie ces articles ne saurait s'identifier à aucun de ces objectifs. C'est pourquoi nous noterons d'emblée que leur propos ultime n'est pas l'histoire, mais la conception du temps qui soutient toute histoire et en particulier l'histoire de l'art.
Cette nuance subtile est néanmoins essentielle lorsque l'on traite des oeuvres d'art. L'histoire de l'art, en permier chef, doit être reconsidérée à la lumière de cette question : qu'est-ce que réduire la temporalité des oeuvres à une approche historique, biographique, contextuelle ? Peut-on opérer cette réduction sans annuler ce qui leur est spécifique, à savoir leur faculté d'exister au présent, de résister à la chronologie ?
La question qui nous occupe est donc l'art et le temps. Par des voies à chaque fois différentes ces articles s'appliquent à reconnaître l'histoire pour la livrer à ce qui l'excède; ils désorientent les chronologies en déjouant le savoir unitaire et positiviste où l'on a souvent enfermé les productions artistiques. C'est ainsi que les questions brûlantes pour notre modernité surgissent d'analyses qui n'ont pourtant pas l'actualité pour objet inmédiat.
La nouvelle pensée de notre époque, dont certains disent qu'elle ne pense plus, est sans doute une nouvelle pensée du temps. C'est pourquoi les travaux les plus intéressants en matière d'art sont entrepris par ceux qui, comme Pleynet, Lacoue-Labarthe, Le Bot et Didi-Huberman, ont un point de vue complètement nouveau sur les origines de notre modernité, la naissance de l'esthétique, l'art des troubadours et la peinture de la renaissance.

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